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La résilience, un éclairage des psychologues de Corot

Après de longs mois difficiles, personnes accueillies, bénévoles et salariés ont fait preuve d'une admirable capacité de résilience. Les psychologues de Corot apportent un éclairage sur cette notion complexe.

Emmanuelle, psychologue à l’Accueil de Jeunes

La résilience est une caractéristique physique désignant la capacité d’un métal à résister aux chocs. Face aux traumatismes et aux évènements difficiles de la vie, la résilience est la capacité à mobiliser ses ressources propres pour rebondir, pour dépasser le choc et continuer à avancer. La résilience se construit dans la relation avec un autre, nommé “tuteur de résilience”.

Les jeunes accompagnés à Corot nous montrent au quotidien leur capacité à mobiliser ces ressources internes, à réussir à s’appuyer sur un autre dans une rencontre avec un environnement bienveillant et soutenant, dans une co-construction. Si leurs parcours de vie sont parfois chaotiques, chacun d’entre eux cependant cherchent à se construire des solutions, qui fonctionnent plus ou moins, dans une démarche dynamique que l’accompagnement doit venir guider et étayer.

Les jeunes ont besoin d’être reconnus dans leur intégrité, dans leurs convictions et leurs désirs. Il est important d’accueillir ces jeunes comme des personnes douées de compétences, “pouvant” et “sachant ce qui est bon pour eux”, de reconnaître les difficultés mais d’identifier et de pointer les ressources de chacun qui évoluent au fil du temps, qui peuvent vaciller parfois puis se remobiliser.

 

 

Claire, psychologue à l’accueil des Familles

La résilience peut être définie en psychologie comme la capacité d’un individu à continuer à se développer, à se construire, après un traumatisme. Le traumatisme caractérise tout type d’évènement qui menace l’intégrité physique et psychique de la personne : maltraitance, violence, maladie grave, pauvreté, guerre…

Boris Cyrulnik parle de la résilience comme d’une « déchirure raccommodée », elle n’efface pas mais elle permet de supporter, de continuer à lutter.

Les parcours de vie des personnes accueillies à Corot sont souvent chaotiques, marqués par des ruptures, des blessures, des évènements dramatiques, des traumatismes remontant parfois à l’enfance.

Certaines familles accueillies à Corot nous montrent leur incroyable capacité à surmonter les épreuves, à s’appuyer sur des rencontres, à puiser au fond d’elles-mêmes des ressources latentes. Les parents rencontrés témoignent parfois de cette possibilité de construire des relations harmonieuses avec leurs enfants alors qu’eux-mêmes ont été privés d’un modèle parental solide et étayant.

Ainsi nous pouvons être témoins de cette résilience qui leur permet d’avancer, de créer des relations de qualité avec leur entourage et de faire preuve de créativité et d’adaptabilité.

D’autres familles, parfois trop gravement blessées pour faire face aux épreuves, doivent pouvoir bénéficier de mains tendues, « tuteurs de résilience », rencontrées dans leur environnement.  C’est ainsi que l’accompagnement proposé à Corot participe au processus de résilience et peut jouer un rôle prépondérant dans cette reconstruction, un réseau extérieur soutenant est en effet indispensable et représente un facteur de protection. La résilience passe par l’altérité, le lien. Elle ne peut naître, croître et se développer que dans la relation à autrui.

Pour repartir il faut pouvoir s’entourer de liens, de personnes présentes au moment opportun témoignant d’un intérêt véritable face à la souffrance.

 

 

Delphine, psychologue à Gutenberg

On dit que certains phénomènes médiatique font prendre aux mots une plus ou moins grande notoriété. Le terme Résilience (une capacité de retrouver sa forme initiale après avoir subi une déformation), qui voltige dans l’air ambiant en ce moment, n’y échappe pas : il aurait presque la prétention d’agir comme de la magie, où la formule abracadabra produirait un retour comme avant, sans cicatrice ni trace, et la preuve de la guérison serait de réussir à tout remettre à sa place, en faisant fi des effets produit par l’impact. Malgré ses belles promesses, il y a de quoi rester sceptique, tant idéologiquement que cliniquement : car on ne sait pas toujours ce que peu la vie psychique, même avec la meilleure volonté du monde.

Ce concept de Résilience aurait même de quoi faire rougir de honte ou culpabiliser ceux qui n’auraient pas la force et la foi de s’en sortir : mais parce qu’il n’est pas toujours salutaire de rebondir, qu’une sortie de route pour rompre avec un cycle infernal, est parfois obligatoire, et ça n’est qu’à force d’«  Essayez encore. Rater encore. Rater mieux  » (Beckett), qu’on peut enfin se relever et faire un bond valeureux en avant, ou une petite roulade, en biais, si on n’est moins ambitieux. 

Un jeune me racontait, pendant qu’on préparait l’ouverture de l’atelier foot, qu’un os cassé l’empêchait désormais de jouer à son poste de prédilection, celui d’avant-centre, le fameux n°9, il était impossible pour lui de rependre la même forme psychique et physique qu’avant : sa jambe porte la marque du soleil qu’il a fait à bicyclette, et il ne s’en est pas sorti indemne, surtout qu’il n’arrive toujours pas à la montrer à un spécialiste, il rate les rdv et quand il y pense, il va jusqu’à la porte d’entrée de l’immeuble du docteur sans pouvoir aller plus loin : sitôt arrivé devant le cabinet, il repart illico presto sans parvenir à s’expliquer les raisons. Alors, pour le faire participer à l’atelier il faudra, à partir de cette trace, essayer de lui trouver une nouvelle place : il sera le nouveau gardien de but de l’équipe de l’O. G. Pas facile de lui faire encaisser la chose, il refuse d’ailleurs mais il veut bien y penser, parce qu’il a changé, et qui sait ?